Revue de presse
“Peut-être eût-il fallu inverser titre et sous-titre de l’ouvrage, pour être au plus près de son contenu. Il ne s’agit pas ici d’une biographie sur la carrière musicale de David Jones, mais de montrer en quoi les différents types musicaux abordés par le musicien le prédisposaient à jouer dans L’homme qui venait d’ailleurs. Ceci étant, l’ouvrage n’omet pas pour autant la carrière musicale de David Bowie, détour indispensable pour la cohérence du texte. Plus de trente pages sont consacrées à l’œuvre musicale de David Bowie, qui ont pour objet de montrer la surprenante diversité du chanteur. Sa fascination pour les masques – on pense bien évidemment à Ziggy Stardust « et l’éclair rouge et bleu qui déchire la nuit électrique » – l’ont conduit à privilégier différentes facettes de sa personnalité, laquelle est alors comme enfouie sous le mille feuilles de ses personnages. Bowie adolescent voulait faire du cinéma, et « Bowie a fait des films sur disques ». En effet, de nombreux albums sont des « concepts » conçus comme des œuvres, très souvent sombres quoi qu’on en dise. Le Bowie de Rebel Rebel n’est pas celui de Let’s dance ni celui de Ziggy. Les styles abordés ne sont pas l’effet d’une mode mais celui d’une évolution qui conduit l’artiste à dire qu’il fait du Bowie plus que tel ou tel courant musical. C’est en 1976 que sort sur les écrans L’homme qui venait d’ailleurs, film britannique réalisé par Nicolas Roeg. Ce réalisateur fait partie, dans les années soixante, du « Free Cinema », la nouvelle vague d’outre-Manche, mouvement qui va « secouer les valeurs de la monarchie insulaire ». On peut voir ou revoir les films de Schlesinger, ou Ken Loach pour son Family life, qui illustrent bien ce courant dans le cinéma britannique d’alors. En 1969 sort Space Oddity, deuxième album de Bowie, qui fait démarrer véritablement la carrière du chanteur. L’année suivante, Roeg cosigne Performance, dont l’esthétique rompt cependant avec le Free Cinema. A l’inverse de ce qui en fut la signature, « le noir et le gris » étaient privilégiés, « les films de Roeg seront flamboyants, polychromes, hallucinatoires, violents, sexy, rock. Et Performance fait aussi l’apologie de la drogue et du rock avec un Mick Jagger des plus énigmatiques. « Ce qui m’intéresse dans le cinéma, c’est la syntaxe des films, le déplacement des images, utiliser la juxtaposition des scènes pour faire monter la tension. Cette tension-là, seul le cinéma peut la créer ». Cette déclaration du metteur en scène montre bien ce que Performance voulait illustrer, plus qu’une intrigue, et le titre le confirme, il s’agit « d’exhiber une performance comme on en voit, en ces lysergiques années soixante, dans le domaine de l’art contemporain ». Roeg privilégie ainsi, « avec l’aide du monteur Antony Gibbs, perceptions kaléidoscopiques, collages, transparences, retours en arrière et anticipations –, ce que des critiques français qualifièrent de “recherches techniques sans intérêt” – afin de créer un continuum sensoriel pro-proustien qui traduise la manière dont l’époque psychédélique perçoit le temps ». Il s’agit donc d’une construction non linéaire que le montage privilégie, ce qui, on peut a posteriori le concevoir, a pu désarçonner nombre de spectateurs. Et ce sont ces aspects qui ponctuent L’homme qui venait d’ailleurs, à quoi il faut ajouter, comme le fit Roeg avec Performance avec un Mick Jagger, un David Bowie dont la présence sur les plateaux a pu gêner producteurs et techniciens. Bowie fut certes attentif aux conseils du metteur en scène, mais il eut à cœur de parfaire son jeu pour innover aussi, mettant en lumière des facettes du personnage incarné qui, a priori, n’avaient pas un intérêt primordial. On se remémore aussi ce que le chanteur rappelle en 1976 : « La renaissance du cinéma va passer par le rock ». Sauf que dans L’homme qui venait d’ailleurs, Bowie ne chante pas, il est acteur à part entière. Cet ouvrage montre donc deux aspects de ce que fut le tournage de ce film : un ovni dans le free cinema d’alors, avec une déconstruction liée à l’ère psychédélique et une profusion de couleurs et, c’est l’autre aspect du livre, l’énigme que fut David Bowie.”
”David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs, le dernier « essai » de Serge Féray, déjà responsable de deux livres remarqués sur Nico, est-il destiné aux fans de Bowie ou aux cinéphiles ? Il peut passionner et les uns et les autres, le risque – clairement assumé par Féray dans la construction de son livre – étant qu’il n’attire que les fans de Bowie qui sont AUSSI cinéphiles (mais bon, ça doit déjà en faire un paquet !). Et puis, le qualifier « d’essai », comme nous le faisons ici, ne rend probablement pas honneur à l’exhaustivité impressionnante dont fait preuve l’auteur quand il s’agit d’analyser et le film The Man Who Fell To Earth, de Nicholas Roeg, et son influence profonde sur tout le travail futur de Bowie, et non seulement sur Station to Station et Low, comme on aurait naturellement tendance à le penser… au vu des photos illustrant les pochettes de ces deux albums.
Le côté positif de cette vision subjective, voire tendancieuse, c’est qu’elle est extrêmement bien documentée, supportée par des analyses très fines sur les chansons, les textes et le comportement de Bowie, qui apportent un point de vue nouveau, original par rapport aux biographies ou commentaires habituels sur notre star préférée du XXème siècle.
Même si, finalement, on peut craindre que les non-cinéphiles trouvent la partie centrale du livre beaucoup trop détaillée, et qu’à l’inverse, ceux qui ne sont pas de grands connaisseurs de Bowie aient du mal avec les digressions de l’auteur sur ses chansons, c’est là ce qui fait la richesse et la singularité d’un livre qui ne ressemble pas à ce qu’on lit habituellement dans les ouvrages consacrés à des stars du Rock, ni d’ailleurs dans ceux consacrés à des metteurs en scène de cinéma. Voici donc 300 pages (en petits caractères) foisonnantes d’informations et d’analyses, qui font de David Bowie – l’homme qui venait d’ailleurs un livre dont la lecture est parfois difficile du fait de sa richesse, mais aussi un travail exceptionnel en tous points.”
“Décédé en janvier 2016, David Bowie est connu essentiellement et à raison comme un musicien et un chanteur exceptionnel. Cependant il fut aussi acteur et Serge Féray, auteur d’un Nico, femme fatale (Le mot et le reste, 2015) remarqué, revient sur le tournage de son premier film, L’Homme qui venait d’ailleurs, qui aura des conséquences très importantes sur son parcours. Il faut revenir ici sur la personnalité de Nicolas Roeg, coréalisateur du célèbre Performance avec Mick Jagger (un ami de Bowie) et aussi du méconnu Ne vous retournez pas avec Donald Sutherland. Roeg monte ses films en comptant sur l’ellipse, très loin de la narration traditionnelle, recourant aussi à des collages et au cut-up, technique mise au point par William S. Burroughs et aussi utilisée par… David Bowie. Roeg choisit d’adapter un livre de Walter Tevis, décrivant la vie de Thomas Jerome Newton, un extraterrestre venu sur Terre faire fortune pour ramener l’eau nécessaire à sa planète. Et il choisit Bowie, c’est-à-dire l’homme qui jouait à être Ziggy Stardust, pour le rôle-titre. Choix risqué mais qui se révélera payant pour un film qui n’a recours à aucun truc ou effet spécial et qui réutilise aussi des thèmes chers à David Bowie.”
“Cela concerne d’abord David Bowie, alors que ses archives live se sont rouvertes pour le ” Record Store Day ”, voici qu’arrive le livre ” L’Homme qui venait d’ailleurs ”, qui revient en profondeur sur le film du même nom (Editions Le mot et le Reste). Un coup de maître pour la première analyse du genre ! ” L’Homme qui venait d’ailleurs ” (” The Man Who Fell to Earth ”) sort en 1976 et est réalisé par Nicolas Roeg. Adapté du roman éponyme de Walter Tevis, le film voit David Bowie dans le rôle de Thomas Jerome Newton, un extraterrestre qui arrive sur Terre dans le but de sauver sa planète d’origine, qui souffre d’une grave crise d’eau. Et on se souviendra que les scènes où Newton interagit avec les humains sont souvent empreintes d’une mélancolie palpable, soulignant la fragilité de l’existence humaine et les conséquences de la recherche du pouvoir et de la richesse. Bowie apporte une profondeur et une sensibilité uniques à son personnage. Son charisme et sa présence à l’écran captivent le public, rendant Newton à la fois fascinant et tragique. La transformation de son personnage, passant d’un être confiant et déterminé à un homme brisé par les réalités de la vie terrestre, est poignante et résonne avec l’expérience humaine universelle. À sa sortie, pourtant, le film ne reçoit que des critiques mitigées, mais gagnera un statut culte plus tard auprès des amateurs de science-fiction. Son approche artistique, son esthétique visuelle audacieuse et sa bande sonore mémorable, composée par John Phillips, ont contribué à sa renommée. Le film est souvent cité comme une œuvre qui a influencé de nombreux réalisateurs et artistes. Bref, nous avons affaire ici à bien plus qu’un simple film de science-fiction. Et l’auteur de ce livre, Serge Féray, romancier et grand fan de musique, signe une réflexion profonde sur ce film qui ausculte la condition humaine, l’aliénation, et qui nous invite à contempler notre propre humanité et les défis qui l’accompagnent.”